Le recours aux galeries pop-up s'est généralisé dans les secteurs de la mode ou de l’événementiel, pour lesquels organiser un défilé ou un lancement dans un lieu « cool » s’avère un moyen très efficace d’attirer l’attention des médias et de booster les ventes. Dans le milieu de l’art, les galeries s’intéressent de plus en plus à ce type d'espaces et certaines en ont même fait leur business model. Dernier en date, Peter Nagy de la galerie Nature Morte (New Delhi) va présenter l'une de ses artistes, l'Indienne Tanya Goel, dans un pop-up à New York, sous la High Line, pendant la foire Frieze (du 2 au 5 mai). Tout en participant au salon, Nagy a voulu montrer l’exposition de Goel ailleurs, ce qui selon lui « permettra aux visiteurs de mieux apprécier son travail, sans le tohu-bohu de la foire ». Pendant Art Basel Hong Kong (du 29 au 31 mars), le marchand Lawrence von Hagen a proposé 62 œuvres, d'Alex Katz à Lee Ufan, dans un pop-up du Pedder Building, bâtiment mythique qui abrite déjà de nombreuses galeries étrangères. Il a loué l’espace directement au propriétaire. Parmi les œuvres proposées : un mobile de Calder à 4,25 millions de dollars ou une œuvre de Katherine Bradford à 22 000 euros. À Londres, le galeriste d’origine libanaise Taymour Grahne a pris un petit espace à Piccadilly pendant la dernière Frieze pour une exposition de 15 jours dédiée à l’artiste américaine d’origine philippine Maia Cruz Palileo. C’est grâce au site web appearhere.us qu’il a trouvé l’espace, dont la location lui a coûté 6 000 livres sterling (7 000 euros). Il a vendu 13 des 16 œuvres mises en vente entre 6 000 et 10 000 dollars. « J’ai eu une galerie à New York pendant quatre ans, dit Grahne, et vers la fin, je me suis rendu compte que je n’avais pas besoin d’un lieu permanent. Les ventes se faisaient toujours dans la première semaine et souvent, par la suite, je ne voyais que cinq ou six personnes par jour ». Il a donc opté pour l’ouverture de galeries éphémères à Londres et New York, en se fixant un objectif de trois à cinq par an. Taymour Grahne constate que ce modèle économique est plus avantageux que celui basé sur un lieu fixe car il a dorénavant plus de temps pour son activité de conseil et est libre de voyager davantage à la recherche d’opportunités pour ses artistes.
Un cas plus récent de pop-up fut le résultat d’un imprévu : l'Armory Show de New York a dû être relogé à quinze jours de l’ouverture car des problèmes de sécurité menaçaient le pier (jetée), où il devait avoir lieu. Le salon a donc occupé un autre pier, prenant la place de la foire satellite Volta et la laissant sans lieu. Plus de la moitié des exposants déçus ont trouvé un site temporaire dans le quartier de Chelsea, grâce au collectionneur Peter Hort et à d’autres sponsors : cette pop-up fair a attiré plus de 1 500 personnes le premier jour.
Nouvelles expériences
« Je ne voulais pas être liée en permanence au même lieu », explique Anna Kirrage, dont la galerie Black Box Projects à Londres, spécialisée dans la photographie contemporaine, fonctionne aussi selon un mode d’espaces éphémères. « Pour nous c’est très avantageux. Nous évitons ainsi l’isolement ; un espace fixe est comme une île ! » Black Box croit fermement aux mérites des collaborations : pendant Frieze, la galerie a travaillé avec Paul Smith pour mettre en place une exposition de son artiste Liz Nielsen dans une boutique du célèbre styliste britannique. Black Box a aussi acquis un espace à Cromwell Place, futur pôle d’expositions dans le quartier londonien de South Kensington (lire l'Hebdo du 2 février 2018, ndlr), pour y installer des bureaux et organiser des expositions temporaires (l’auteure de ce texte dirige le comité de sélection de Cromwell Place, ndlr).
L’un des pionniers de la galerie éphémère est le marchand allemand Matthias Arndt. En 2012, il a fermé les portes de sa galerie à Berlin pour évoluer vers un modèle de type agence et travailler notamment en Asie. « Au fil des ans, j’ai expérimenté divers formats, dit-il. Les galeries pop-up me permettent notamment de prolonger une exposition de notre espace principal, d’organiser une exposition hors-les-murs pour mettre en valeur un artiste qui participe à une biennale ou est invité par un musée comme curateur. J’y ai aussi eu recours en collaborant avec un collègue pour une participation dans une foire. Dans le monde de l’art, il est important de toujours proposer quelque chose de neuf et de dynamique au public international, friand de nouvelles expériences. Choisir un espace qui sorte de l’ordinaire pour exposer des artistes peut générer plus d’intérêt et d’excitation. »
Plusieurs facteurs se conjuguent pour favoriser cette nouvelle façon de travailler. En raison du déclin du commerce traditionnel, de nombreux locaux sont vacants. Dans le cas de nouveaux projets de développement immobilier, les pop-up permettent de créer l'événement autour du bâtiment. Dans ces deux cas de figure, le fait d’accueillir une exposition temporaire dans des lieux vides permet au propriétaire de payer quelques factures et de faire bonne impression car il n’y a rien de plus triste qu’un lieu inoccupé et sans vie. Et avec la tendance actuelle qui privilégie « l’expérience », le fait d’organiser une exposition dans un lieu décalé et peu conventionnel améliore l’attractivité de l'événement. Enfin, alors que jusqu’à très récemment les foires n’acceptaient pas les galeries « nomades », la situation évolue : Black Box a pu ainsi participer à Photo London cette année. Aussi semble-t-il inévitable, vu le nombre de galeries intermédiaires qui ferment actuellement leur espace permanent, que les foires soient obligées de changer leurs critères de sélection et de prendre en compte le modèle pop-up.